Focus sur le microprogramme Réaliser un documentaire
PAR DIYA ANGELI
Créé en 2014, le microprogramme a formé plus de 35 personnes. Pierre Houle, scénariste, réalisateur d’expérience, et formateur à L’inis depuis sept ans, y guide la relève, motivé par la volonté de transmettre sa passion du métier : «On a tous eu dans notre carrière des mentors sur les plateaux qui nous ont aidés à passer à travers de ce dur métier. Aujourd’hui, je me sens dans l’obligation de remettre ce que j’ai reçu», affirme-t-il.

125 HEURES POUR ÊTRE AUTONOME
Le microprogramme a été le point de départ
de mon envie de raconter des histoires
et de donner la parole à d'autres.
Peut-on devenir autonome dans la réalisation d’un documentaire en six semaines? Au premier abord, le microprogramme peut sembler contraignant avec ses sujets et des méthodologies imposés, mais le résultat est là. Les participants repartent chaque année avec un court documentaire en poche et tous les éléments en main pour se lancer confiants dans la réalisation d’autres projets.
« L’accompagnement part de zéro », précise Pierre Houle, « on trouve le sujet, on scénarise le sujet, on donne des ateliers sur la réalisation, sur la direction photo, la technique, pour que quand tu sors du programme, tu sois capable d’utiliser une caméra, d’utiliser le son, de monter ton produit et d’écrire un scénario. Puis, on va faire en sorte que ton documentaire soit confronté à d’autres documentaristes, dans un premier temps, puis à un public pour que tu aies un retour sur ton travail. »
Jorge Oliveira, participant au microprogramme 2017, témoigne justement de cette expérience de création dirigée: « Je crois que la volonté qui a présidé à l'élaboration de ce programme est de mener le participant le plus efficacement possible à un maximum d'autonomie. Et c'était tout ce que je recherchais quand j'ai envoyé ma candidature à L'inis: une formation éclair sur toutes les étapes de la réalisation d'un documentaire… Si c'est intense, c'est aussi très stimulant, notamment grâce à l'investissement et la bienveillance des encadrants et des formateurs qui prennent part au programme. Bref, j'en suis ressorti suffisamment outillé pour me lancer dans de nouvelles aventures.»
Une autre participante de 2015, Anne Sellès, estime pour sa part que son besoin était principalement de se perfectionner techniquement : « Suivre le microprogramme m'a permis de comprendre qu'effectivement, j'avais besoin de me perfectionner en caméra et son, mais surtout que j'ignorais tout un pan indissociable de la création documentaire ; la recherche et l'écriture du scénario. J'ai énormément appris avec la productrice et formatrice Raymonde Provencher, par exemple. Le microprogramme a été le point de départ de mon envie de raconter des histoires et de donner la parole à d'autres. Aujourd'hui, tout ce que je fais est teinté de ma passion pour ce moyen d'expression là. »

APPRENDRE À CHOISIR SON SUJET
Nous y arriverions qu'à la condition de sortir de notre zone de confort.
Dès le début du microprogramme, les formateurs invitent les participants à trouver un sujet dans un rayon de 1 km autour d’une station de métro tirée au sort. Ce plongeon dans le microprogramme fait appel à deux choses: «être à l’écoute de son milieu, à regarder la vie d’un œil différent et aussi être à la recherche de ce qui nous plaît et de ce qu’on a le goût de raconter», précise Pierre Houle.
«La vertu de ce dispositif a priori intimidant est qu'il ne vous laisse pas le loisir de tergiverser face à l'obstacle», confirme Jorge Oliveira. «Il faut tout simplement se lancer, il n'y a pas d'autre alternative. Bien sûr, sur le moment, le défi de trouver deux sujets qui tiennent la route en un après-midi dans un quartier qui m'était tout à fait inconnu m'a paru irréalisable, et pour être honnête, j'étais un peu remonté le jour où je me suis retrouvé sur le terrain avec si peu de temps devant moi. Mais c'est bien connu, le sentiment d'urgence agit comme un catalyseur dans certaines circonstances. Ici, cela a fonctionné à plein. Quand je suis sorti de la station Parc-Extension, je n'avais qu'un but en tête: ramener deux sujets potentiels pour le lendemain. Je me souviens encore de cette petite voix obsédante qui m'accompagnait pendant cet après-midi de recherche effrénée, c'était celle de Pierre Houle. Le matin même, il nous avait dit que nous y arriverions qu'à la condition de sortir de notre zone de confort. Sortir de notre zone de confort : j'en ai fait mon mantra ce jour-là, et ça a marché.»
Outre pousser ses étudiants à sortir de leur zone de confiance, Pierre Houle les force à se questionner sur eux-mêmes, à se positionner dans le monde. Il précise que «le sujet ne fait pas le documentaire, il est le véhicule pour ton propre point de vue sur le monde. Chacun regarde le monde à travers son passé, ses émotions, son intelligence, son vécu. Quand tu dois choisir un sujet dans un rayon de 1 Km rapidement, tu dois choisir rapidement de quoi tu as envie de parler.»
Et c’est justement pour les aider à exprimer leur point de vue sur leur sujet que durant les quatre premières semaines de la formation, le formateur principal du microprogramme rencontre chacun des participants, seul à seul, pour travailler leur scénario. Il les accompagne durant les trois phases d’écriture, du scénario imaginé au départ au scénario du tournage, jusqu’à celui du montage, en s’assurant d’abord, qu’ils respectent bien leur idée maîtresse à chacune des étapes et ensuite que cette dernière soit compréhensible en fin de compte.

Pierre Houle lors d'une rencontre en face à face avec l'un des participants | Photos : L'inis
RACONTER UNE HISTOIRE
Que tu fasses de la pub, du corporatif, du magazine,
tu es au service d’une histoire, d’un message
que tu dois rendre compréhensible et intéressant.
En plus d'être le formateur principal du microprogramme Réaliser un documentaire, Pierre Houle collabore au programme Écriture de long métrage, au programme Cinéma et au programme Télévision qui explorent tous l’expérience du récit : « Que ce soit en Écriture de long métrage, en Cinéma ou en Documentaire, on est tous en train de raconter une histoire», affirme Pierre Houle. « Et raconter une histoire ce n’est pas aussi simple que ça paraît. Notre travail à L’inis est de faire en sorte que ce qui habite la tête d’un créateur se retrouve soit sur le papier quand on écrit, soit à l’image quand on réalise, soit dans le sujet qu’on a choisi quand on fait du documentaire. »
Si les artisans du milieu de l’audiovisuel sont au service du message, de l’histoire et de ses créateurs, L’inis et ses formateurs sont, eux, au service de la relève pour leur apprendre à communiquer leur idée et surtout à rester fidèle à celle-ci.
« On aide ceux qui ont une certaine urgence à dire quelque chose à structurer le message pour que la communication soit la plus efficace possible et rejoigne le plus de monde possible. Et pour ce faire, il faut une communication claire : savoir raconter les choses et prendre en considération qu’une communication ça se fait à deux, il y a un émetteur et des récepteurs et il faut être sûr que le message passe », résume Pierre Houle.
Dans un milieu en perpétuelle évolution, où les médiums, les outils et les façons de raconter les histoires évoluent, le récit reste encore et toujours la base de toute production audiovisuelle.
En effet, comme le souligne Pierre Houle, « que tu fasses de la pub, du corporatif ou du magazine, tu es au service d’une histoire, d’un message que tu dois rendre compréhensible et intéressant. »
SE RÉVÉLER EN TANT QUE RÉALISATEUR
L'inis est une sorte d'incubateur : non seulement on s'y révèle à soi-même, mais on en sort galvanisé par le sentiment d'émulation collective qui y règne et la certitude de disposer désormais d'un solide réseau pour vous aider dans vos projets futurs.
Le microprogramme Réaliser un documentaire est pour tout le monde. « Il faut avoir un regard, une envie de dire les choses, les outils, la technique n’est pas importante. Il faut avoir un grand désir d’apprendre, car c’est très intensif, il faut avoir dégagé du temps pour s’y consacrer sur six semaines », précise Pierre Houle.
Pierre Houle confie que c’est une « grande satisfaction quand on arrive à forcer des gens à être eux-mêmes, à avoir confiance en eux, à leur faire prendre conscience qu’ils sont uniques et intéressants. […] Quand on présente les films à la fin de la session, on est bouche bée devant les bijoux qui sortent de ça et la confiance que les gens acquièrent en six semaines. »
Pour Anne Sellès, cette formation est révélatrice. Elle lui aura, entre autres, permis de comprendre que le documentaire était une forme d'expression qui lui correspondait parfaitement. «Le microprogramme m’a apporté de la confiance en moi, de l'aisance par rapport aux termes techniques, une bonne approche générale de ce qu'est un tournage documentaire, ainsi que la certitude que l'amont (la recherche, l'écriture du scénario et la préparation) nécessite du temps, de la réflexion et de la patience. Même si j'estime manquer cruellement d'expérience, le microprogramme m'a tout de même permis de me sentir légitime dans ce milieu», précise-t-elle.

Sur le tournage de Une lentille d'espoir avec Lessandro Socrates, Patrick Hamel et le Docteur Antonio Canuto
Véritable tremplin pour Jorge Oliveira, le microprogramme lui a permis de faire la connaissance de Patrick Hamel, avec qui il a suivi la formation en 2017 et de Lessandro Socrates (Documentaire 2013) qui faisait la caméra sur le court métrage qu’il a réalisé, Pour vos beaux yeux. Ils développent actuellement un projet de long métrage autoproduit dont le sujet principal traite des parents d'enfants atteints d'une déficience visuelle. Cette thématique est inspirée de Patrick Hamel, ophtalmologue à l’Hôpital Ste-Justine. «Ce qu'il y a de formidable à L'inis, c'est qu'une fois votre cursus terminé, vous en restez un membre de la famille à part entière. Ses portes vous restent donc très grandes ouvertes si vous avez besoin d'un coup de main pour un réaliser un autre projet. L'inis est une sorte d'incubateur: non seulement on s'y révèle à soi-même, mais on en sort galvanisé par le sentiment d'émulation collective qui y règne et la certitude de disposer désormais d'un solide réseau pour vous aider dans vos projets futurs», affirme Jorge.
La prochaine édition du microprogramme Réaliser un documentaire débutera le 26 avril 2018. Vous avez jusqu'au 12 mars 2018 pour soumettre votre candidature.
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